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En savoir plus sur nos cookiesAu premier abord, l’objectif paraissait simple, presque logique : simplifier un système complexe et archaïque, constitué de 70 années de réglementations entassées les unes sur les autres. Mais dans le fond, cette retraite se résume aujourd’hui à une mesure qui fait grincer des dents et couler de l’encre : reculer progressivement l’âge du départ en retraite, de 62 ans aujourd’hui, à 64 ans en 2030. Des années de travail supplémentaires qui inquiètent les acteurs du spectacle vivant.
Lors d’une séance tendue au parlement, l’extinction progressive de la plupart des régimes spéciaux a été votée ce vendredi à 181 voix contre 163. Les débats restant sur les 12 000 amendements déposés par les partis opposants sont prévus jusqu’au 17 février avant une transmission du texte au Sénat.
En revanche, si l’Assemblée et le Sénat ne votent pas un texte similaire, s’en suivrait alors la convocation d’une commission mixte paritaire (CMP), selon l’article 45 de la Constitution. Si la CMP se révèle concluante, le texte sera adopté. Dans le cas contraire, le PLFSSR fera l’objet d’une nouvelle lecture, mais uniquement sur les dispositions qui restent en discussion.
Le 26 mars 2023, si le Parlement n’a pas définitivement adopté le projet de loi, la Constitution permet au gouvernement de prendre une ordonnance pour mettre en œuvre la réforme. Ainsi, la réforme des retraites devrait entrer en vigueur le 1er septembre 2023 par tranches de trois mois par an, si tout se déroule tel que le gouvernement l’a prévu.
L’occasion de dresser un état des lieux de la retraite chez les musiciens professionnels. Disposent-ils d’un régime spécial ? Sont-ils avantagés ou au contraire pénalisés ?
Tout d’abord, il convient de distinguer deux grandes familles de musiciens professionnels.
Les permanents, ceux qui sont en CDI dans des ensembles, comme les orchestres nationaux (Paris, Toulouse, Lyon, etc.). Les concernés sont estimés entre 2 500 et 3 000 en France. Comme n’importe quel salarié du public ou du privé, leur retraite de musicien dépend du régime général.
Un régime qui ne sied guère à leurs avantages. Les musiciens permanents des Opéras craignent le recul de l’âge de départ à la retraite, car, comme l’expliquent les concernées, la pratique musicale demande beaucoup de contraintes physiques. En effet, difficile de reproduire le Lac des Cygnes quand on a 60 ans, que l’on soit danseur ou contrebassiste.
Lors des Victoire de la Musique, Karine Huet, l’une des musiciennes de l’orchestre de la soirée, rappelle une réalité du métier :
« Alors que nous pratiquons la musique de manière très intensive depuis l’enfance, il arrive à beaucoup d’entre nous que nos corps ne nous obéissent plus. Quand on est usé, qu’on le veuille ou non, on ne peut plus atteindre l’excellence que vous attendez de nous. Et 64 ans, quand on a commencé l’instrument à 6 ans, ce n’est plus tenable. C’est pour ça que, comme tant d’autres, nous manifestons actuellement. »
De l’autre côté, il y a les musiciens intermittents. En France, un peu plus de 40 000 musiciens gagneraient ainsi leur vie en bénéficiant de ce régime qui permet d’alterner phases de travail (cachets) et phases de chômage indemnisé. Les intermittents bénéficient donc d’un régime spécifique.
C’est-à-dire la combinaison de la retraite de base qui est gérée par le régime général de la sécurité sociale, et de la retraite complémentaire gérées par l’Agirc-Arrco pour les salariés du privé, et par de nombreux autres organismes en fonction du type d’employeur. C’est ce qu’on appelle les régimes spéciaux.
Première spécificité bénéfique concernant les intermittents : les périodes de chômage indemnisé sont considérées comme des périodes de travail et donc prises en compte dans le calcul de la retraite de base.
Donc un musicien intermittent qui travaille régulièrement et qui est indemnisé tout au long de sa carrière aura sans problème cotisé le nombre nécessaire de trimestres pour toucher une retraite à taux plein.
Mais cette spécificité n’est pas qu’un avantage. Si les périodes de chômage sont prises en compte dans le calcul des trimestres, elles ne sont pas comptabilisées comme étant du salaire.
Par nature de la profession, un intermittent connaîtra de nombreuses périodes de chômage au cours de sa vie professionnelle : une part importante de ce qu’il gagne provient donc des indemnisations. Et puisque le montant de l’allocation retraite se fait à partir de la moyenne des salaires perçus pendant les 25 meilleures années de la carrière professionnelle, le système est plutôt pénalisant pour les musiciens intermittents.
En raison de leurs contrats à durée déterminée, les intermittents ont souvent de longues pauses dans leur carrière, qui retarde déjà a plus tard leur retraite à taux plein. C’est pourquoi on voit certains le report comme une « double peine ».
Les musiciens intermittents du spectacle et les permanents qui bénéficient de régimes spécifiques, sont donc nombreux dans les cortèges. Tous sont inquiets du report de l’âge de la retraite, car ils estiment exercer un métier difficile. Si rien d'officiel n'a encore été déclaré, Emmanuel Macron ne serait pas favorable au maintien de ces régimes spéciaux et ne prévoit pas d'exception pour les intermittents. L'ancienne Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot semble prévoir le pire dans son dernier ouvrage en parlant d'une véritable « cocotte minute » sur le point d'imploser.
Sont-ils réellement menacés aujourd’hui ? La réforme des retraites présentée par la Première ministre reste sur ce point très évasive et donc inquiétante pour les musiciens concernés…
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